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Francophonie et jeunesse en Haïti : rester ou partir - Par Jean Rony Alexandre et Elizabeth Jacques, correspondants de FSF en Haïti

Francophonie et jeunesse en Haïti : rester ou partir

Par Jean Rony Alexandre et Elizabeth Jacques, correspondants de FSF en Haïti

Plus que jamais les jeunes haïtiens se sentent menacés. Ils ne trouvent pas de perspectives d’avenir face aux autorités qui ne cessent de tergiverser entre la jeunesse comme priorité et leurs caprices. Le devoir des autorités du pays est pourtant de prendre en charge une population majoritairement jeune pour leur octroyer une place dans la société. Face à ce manquement, certains jeunes, mus par cette logique de transhumance qui est présente en permanence chez l’être humain en quête de survie lorsqu’il est en danger, se tournent vers l’extérieur.

 

Rappelons que laisser son pays pour aller s’établir sur un territoire qui n’est pas le sien suppose de prendre en grande considération plusieurs aspects. Parmi lesquels la question culturelle d’une manière générale, mais plus précisément l’aspect linguistique. De ce point de vue, en plus d’autres langues faisant l’objet de convoitise pour les jeunes, la langue française se présente comme une fenêtre d’opportunité pour les filles et fils du pays, en ce sens que, là où ils vont s’établir, ils doivent être à même de s’exprimer au moins dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle. Et là, le français est déterminant. D’autant qu’il est utilisé non pas comme une deuxième langue dans certains milieux socioprofessionnels, puisqu’il est consacré comme une des langues officielles du pays, et aussi la langue de travail. 

 

La langue française est pour la jeunesse un outil de progrès social. La Francophonie, en promouvant la diversité culturelle et le principe de l’autodétermination des peuples représente un espace d’épanouissement pour se réaliser au mieux à travers une cohabitation sans faille, prenant en compte sa valeur et son identité. Étant toujours en quête d’un milieu en faisant fi de ce qui constitue leur être à part entière, les jeunes perçoivent la Francophonie comme un espace de confort et d’expression de soi. Les principes que défendent la Francophonie, dont la diversité, peuvent contribuer à façonner la question du vivre ensemble chez les jeunes Haïtiens et les inspirent à s’unir autour de grands projets de changement à la fois pour leur communauté et pour l’humanité tout entière, et ce en dépit de leurs différences.

 

En plus d’opportunités respectant les principes de la dignité humaine, ce qui rentre d’ailleurs dans sa première ligne de défense, la Francophonie offre une large gamme d’opportunités en termes d’échange et de transfert des technologies. Nombreux sont les jeunes Haïtiens qui sont formés dans un des pays de l’espace francophone et reviennent au pays avec une valeur ajoutée pour servir la République. Ces jeunes aux compétences compétitives sont éparpillés aussi un peu partout dans le monde, tant au niveau de l’administration de certains pays étrangers qu’au niveau des grandes institutions internationales.

 

Si pour une grande majorité de jeunes la logique de migration tient, il n’en reste pas moins que le français comme langue de l’enseignement en Haïti permet aux jeunes du pays d’accéder à un espace riche qui est l’espace francophone et donc la Francophonie. Cette dernière aux considérations multiples se présente comme une véritable machine à outil pour les jeunes haïtiens dans une dynamique de progrès et de développement humain plus largement.

 

La question que l’on devrait se poser est : « Que peut-on espérer de l’OIF pour la sauvegarde de la Francophonie en Haïti ? »

Dans un article paru en 2019 dans le journal le Nouvelliste, le directeur du bureau régional de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), Saulo Neiva, a informé que 85% de jeunes étudiants diplômés finissent par laisser Haïti.

Beaucoup d’entre eux ont choisi de laisser le pays comme nous l’avions mentionné dès le début ; vu qu’il est plus facile pour eux d’espérer un mieux-être. L’insécurité, le chômage en grande partie sont les principaux facteurs qui poussent les jeunes haïtiens à quitter le pays. Maintenant comment l’OIF peut-elle aider à ce que nos jeunes cerveaux ne laissent plus Haïti ?

 

Du côté de l’Etat haïtien, on ne peut pas attendre grand-chose. De jour en jour, les caisses du trésor public se vident ; intégrer l’Administration publique est devenu de plus en plus difficile pour diverses raisons ; et il y a pour ainsi dire une absence ou du moins une mauvaise gestion des politiques publiques de retraite.

Jean Rony et moi, ainsi que d’autres jeunes qui ont choisi de rester, nous nous considérons presque comme des héros. Nous pensons que Haïti, avec sa jeunesse pourrait prendre une nouvelle voie - le chemin du développement.

 

Sans attendre que l’OIF et d’autres organisations internationales puissent apporter quelque chose de suffisamment significatif pour nos jeunes intellectuels francophones de fuir Haïti ; il revient à nous, Haïtiens issus de divers horizons et de la diaspora, de prendre en main le destin du pays.

 

Fait à Port-au-Prince, le 31 Mars 2020